Situé à environ 1 360 années-lumière du Système solaire, FU Orionis, encore appelée FU Ori est une étoile variable qui est devenue mystérieusement 1 000 fois plus brillante il y a 88 ans. Les astrophysiciens tentent de savoir pourquoi depuis longtemps et, notamment depuis plus d'une décennie, en utilisant le réseau de radiotélescopes Alma. Une hypothèse jadis proposée vient d'acquérir plus de poids.


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    Un communiqué du National Radio Astronomy Observatory porteporte sur un travail effectué avec l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma) de l'ESO et qui est publié dans un article de The Astrophysical Journal. Il y est question d'observations qui confirment une hypothèse avancée pour résoudre une énigme datant de 80 ans et concernant une étoile dans la Voie lactée capable de produire l'équivalent des éruptions solaires, mais mille milliards de fois plus fortes que dans le cas du Soleil.

    Tout avait commencé en 1936 quand l'étoile FU Orionis située dans la constellation d'Orion, à l'intérieur de la nébuleusenébuleuse sombre Barnard 35 (un nuagenuage moléculaire et poussiéreux froid), a soudainement augmenté sa luminositéluminosité des centaines de fois, faisant passer en un peu moins de 200 jours sa magnitude apparentemagnitude apparente de 16,5 à 9,6. Au début, les astronomesastronomes pensaient qu'ils assistaient à une sorte de nova mais une étude plus poussée du phénomène, notamment avec des signatures spectrales, a montré qu'il n'en était rien.


    L’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (en abrégé Alma) a observé FU Orionis pour la première fois en 2012, lors des premières opérations scientifiques. Même avec sa capacité de départ, Alma a pu confirmer que FU Orionis était en fait un système binaire. © Sebastian Perez

    FU Ori une protoétoile double ?

    Pendant des décennies, FU Orionis est resté un cas unique mais, en 1970, une étoile similaire - V1057 Cygni - a été découverte. On connaît maintenant une dizaine d'étoiles ayant manifesté le même comportement et qui sont rassemblées dans une nouvelle classe d'étoiles variablesétoiles variables dite de type FU Orionis. Les FUors, comme on les appelle, sont maintenant bien connues des astronomes amateurs s'occupant des étoiles variables et qui sont membres de la célèbre Association américaine des observateurs d'étoiles variables (en anglais, American Association of Variable Star Observers, AAVSO).

    On sait aussi maintenant que FU Orionis est en réalité un système binairesystème binaire de jeunes étoiles et en particulier que l'étoile responsable de son comportement singulier est en réalité une protoétoile de type T TauriT Tauri pas encore arrivée sur la fameuse séquence principaleséquence principale, c'est-à-dire qu'elle tire son énergieénergie du processus d'accrétionaccrétion et de contraction gravitationnelle encore en cours et pas de l'allumage des réactions de fusion de l’hydrogène selon la chaîne proton-proton ou le cycle CNO. En fait, il semble bien que toutes les FUors soient associées à ce type de jeune étoile.

    Le modèle actuel pour comprendre les brusques changements de luminosité des FUors a été développé principalement par les astrophysiciensastrophysiciens états-uniens Lee Hartmann et Scott Jay Kenyon et il associe l'éruption de FU Orionis à un transfert de massemasse brusque d'un disque d'accrétiondisque d'accrétion vers une jeune étoile T Tauri de faible masse. Mais cela restait à prouver...

    Vue d'artiste de la vue à grande échelle de FU-Ori. L'image montre les flux sortants produits par l'interaction entre les vents stellaires forts alimentés par l'explosion et l'enveloppe résiduelle à partir de laquelle l'étoile s'est formée. Le vent stellaire provoque un fort choc dans l’enveloppe, et le gaz CO balayé par le choc est ce que Alma a révélé. Le zoom, à droite, montre un disque d'accrétion alimenté par un courant de matière contenant du CO et aujourd'hui identifié par Alma. © NSF, NRAO, S. Dagnello
    Vue d'artiste de la vue à grande échelle de FU-Ori. L'image montre les flux sortants produits par l'interaction entre les vents stellaires forts alimentés par l'explosion et l'enveloppe résiduelle à partir de laquelle l'étoile s'est formée. Le vent stellaire provoque un fort choc dans l’enveloppe, et le gaz CO balayé par le choc est ce que Alma a révélé. Le zoom, à droite, montre un disque d'accrétion alimenté par un courant de matière contenant du CO et aujourd'hui identifié par Alma. © NSF, NRAO, S. Dagnello

    Un courant d'accrétion trahi par les émissions du monoxyde de carbone

    Dans le communiqué du National Radio Astronomy Observatory, Antonio Hales, directeur adjoint du centre régional nord-américain Alma et auteur principal de l'article publié dans l'Astrophysical Journal, explique aujourd'hui que « FU Ori dévore de la matièrematière depuis près de 100 ans pour maintenir son éruption. Nous avons enfin trouvé une réponse sur la façon dont ces jeunes étoiles éclatantes reconstituent leur masse. Pour la première fois, nous disposons de preuves d'observation directes de la matière alimentant les éruptions ».

    Les observations d'Alma ont en effet révélé un long et mince courant de monoxyde de carbonemonoxyde de carbone CO tombant sur FU Orionis. Toutefois, ce courant de matière ne semble pas en contenir assez pour expliquer la luminosité de FU Ori mais, selon Hales, « il est possible que l'interaction avec un flux de gazgaz plus important dans le passé ait rendu le système instable et déclenché une augmentation de la luminosité.

    En comprenant comment sont fabriquées ces étoiles FUor particulières, nous confirmons ce que nous savons sur la formation des différentes étoiles et planètes. Nous pensons que toutes les étoiles subissent des explosions. Ces explosions sont importantes car elles affectent la composition chimique des disques d'accrétion autour des étoiles naissantes et des planètes qu'elles finissent par former. Nous étudions FU Orionis depuis les premières observations d'Alma en 2012. C'est fascinant d'avoir enfin des réponses ».

    La région <em>Lambda Orionis</em> de la constellation d'Orion, montrant des nuages moléculaires et Bételgeuse, ainsi que les étoiles Gamma Orionis, Lambda Orionis et Phi Orionis. © CC by-sa 4.0 Lithopsian
    La région Lambda Orionis de la constellation d'Orion, montrant des nuages moléculaires et Bételgeuse, ainsi que les étoiles Gamma Orionis, Lambda Orionis et Phi Orionis. © CC by-sa 4.0 Lithopsian